Allocution
de Jean-Claude Blanchet, lors de l'inauguration du square Ginette et Georges
Durand le 16 Mai 2018.
Georges Durand,
dit « Doris » puis « Dubreuil »,
est né à La Tronche le 9 septembre 1917 d’une famille
voreppine. Il est élevé à Voreppe. Diplômé
de l’Institut Polytechnique de Grenoble d’où il est
sorti en 1939, il est ingénieur aux Papeteries de France à
Lancey. En mars 1940, il épouse Ginette Morel-Derocle, fille des
libraires de Voreppe. De cette union naît l'année suivante
Francette. Ils habitent dans l’appartement au-dessus de la librairie.
Georges Durand entre, à la fin de l’année 1942, au
mouvement « Combat » qui porte une attention particulière
à s’opposer au départ des jeunes appelés au
S.T.O. qu’il place dans des fermes. C’est au sein de ce mouvement
que Georges Durand rencontre Jean Berfini dit « Linet »
originaire de Bourg-de-Péage où il est né en 1901.
A Voreppe, il est comptable aux Établissements Milly-Brionnet.
En mai 1942, contacté par le docteur Valois, il adhère au
mouvement « Combat » dont il devient le responsable
pour Voreppe et ses environs. Puis, en janvier 1943, il est parmi les
responsables des « Mouvements Unis de la Résistance ».
C’est sous l’égide de ce réseau que va être
placé le maquis de La Tençon.
Georges Durand prend rapidement l’initiative de la formation
des maquis du Grésivaudan. C’est l’époque héroïque
où les premiers groupes doivent s’organiser sans armes et
sans ressources, au milieu de difficultés de toutes natures. C’est
tout d’abord la création à Prélane d’un
camp de 40 réfractaires. Puis, chargé de l’organisation
de la résistance dans le secteur de Brignoud, il fonde avec Charles
Bernard-Guelle le maquis de Souillière puis celui de La Combe-de-Lancey.
Il fait tous les transports vers ces maquis avec les camions de son employeur,
les Papeteries de France. Son entente avec Jean Berfini permet le camouflage
des réfractaires de la zone de Voreppe dirigés vers Domène
où il travaille et de ceux de Domène dirigés vers
Voreppe. Les jeunes arrivants à Voreppe doivent se rendre à
la librairie Morel-Derocle, sur la place Debelle. Le signe de reconnaissance
consiste à présenter un billet de banque ou un texte partagé
en deux. La partie qu’ils présentent correspond à
l’autre moitié que possède Ginette. Ces jeunes sont
ensuite confiés à Henri Chapays, garçon boucher chez
Pansu à Voreppe et tout acquis à la Résistance naissante.
Celui-ci les conduit dans un premier temps au centre de rassemblement
situé au hameau de Racin sur les contreforts du pic de Chalais
puis au maquis de La Tençon.
Dans ce camp de triage (il comptera jusqu’à une soixantaine
de réfractaires) installés dans une grange, les jeunes qui
y sont accueillis sont occupés à couper du bois de chauffage
pour gagner un peu d’argent. Certains sont aussi placés dans
des fermes de la région. Tous y reçoivent une excellente
instruction essentiellement de la part de Berfini, L’armement de
ces hommes est celui récupéré à la scierie
Milly-Brionnet où des armes ont été « planquées »
dès l’armistice du 25 juin 1940.
Les coupures de câbles et de lignes téléphoniques,
souterrains et aériens, ainsi que le sabotage des voies ferrées
sont les premières opérations de guerre de ce nouveau maquis.
En octobre 1943, le groupe, renforcé par le groupe franc d’Alban
Fagot se voit confier la mission de s’emparer du contingent de tabac
du canton de Saint-Laurent-du-Pont. La livraison signalée se fait
régulièrement, le soir, par le car qui assure la liaison
Grenoble–la Chartreuse. Il sera facile de l’intercepter dans
la montée du col de La Placette. «
A l’automne de l’année 1943, Georges Durand fonde un
maquis à Tréminis dans le Trièves. Le 23 octobre
1943, au matin, la Gestapo se présente à l’hôtel
des Alpes à Lancey. C’est là que Georges Durand prend
pension. Une jeune fille anglaise loge aussi dans le même établissement ;
c’est elle qui l’a dénoncé. Georges Durand n’est
pas là mais les Allemands savent également le trouver dans
sa famille à Voreppe. Avec Berfini, ils ont été donnés
par l'ignoble tenancier du bar de la place Debelle qui sera exécuté
plus tard par Chapays. C’est donc à Voreppe que le soir du
23 octobre 1943, ils l’interpellent. Son épouse et sa belle-mère
échappent à l’arrestation car, malgré une fouille
minutieuse du logement, la Gestapo ne découvre pas les faux papiers,
les cartes d’alimentation et autres documents dissimulés
dans le poêle à charbon de la salle à manger. Georges
Durand après être passé dans les geôles de Grenoble
puis dans celles de Fresnes, sera déporté dans le sinistre
camp de Buchenwald. Il s’évadera d’un convoi le 15
avril 1945 avec deux compagnons et pourra rejoindre les Américains
à Chemnitz après deux semaines de marche. Deux jours après
son évasion, presque tous les déportés du convoi
qu’il a abandonné sont exterminés. Rentré en
France le 23 mai suivant, il rejoindra enfin les siens. Malgré
cette arrestation, Ginette Durand continue avec courage la mission commencée.
Au printemps 1944, l’étau de la Gestapo se resserrant autour
d’elle, avec sa mère et la petite Francette, elle part chercher
refuge pour quelque temps en Chartreuse à Aiguenoire, dans la maison
de la mère d’Henri Chapays.
L’ami de Georges Durand, Jean Berfini aura plus
de chance. Fin novembre 1943, une tentative de le « coincer »
échoue. En effet, ce jour là, il est absent de Voreppe étant
parti à Grenoble assister à l’enterrement de Jean
Pain et à une réunion avec d’autres résistants.
Prévenu par Ginette Durand, Berfini se cache trois jours durant
chez des amis sûrs à Grenoble. Pour continuer le combat,
il doit sortir de la ville. Mais toutes les portes qui servent d’octroi
sont très surveillées par les Allemands. C’est, accompagné
par Ginette Durand en prenant le tramway comme pouvait le faire un couple
regagnant son domicile, qu’il parvient à sortir dela ville
sans embûche. Accueilli dans une ferme près de Gières,
des amis résistants vont le diriger sur le maquis de la rive droite
du Grésivaudan ;« Linet » devient « Dax ».
Il va bientôt devenir le chef de l’Armée Secrète
du secteur.
Pour son intense activité de Résistant et de déporté,
Georges Durand sera fait officier dans l'ordre de la Légion d'Honneur.
Pour son action courageuse, Ginette Durand recevra, le 17 février
1945, une lettre de félicitations du lieutenant-colonel Le Ray,
commandant les Forces Françaises de l’Intérieur du
département de l’Isère : « A aidé
son mari dans la Résistance depuis le début de l’Organisation.
Après l’arrestation de son mari par la Gestapo a continué
à servir comme agent de liaison. A rendu des services précieux
malgré de gros risques pour elle et pour sa famille. »
Elle fera partie du Conseil Municipal de Voreppe à la Libération.
Pour se recueillir devant cette nouvelle stèle, on pourra, si vous
le voulez bien, en plus d'avoir une pensée pour Ginette et Georges,
évoquer la mémoire d'un cousin germain de Georges, André
Buissière, tombé dans les combats de Vassieux consécutifs
à l'invasion du plateau du Vercors, le 21 juillet 1944, par les
planeurs allemands.
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